Compléments d’inventaire des Chiroptères de Marie-Galante
Marie-Galante est la troisième île de l’archipel Guadeloupe en terme de superficie avec 158 km². Elle est située à quasi-égale distance de la Basse-Terre (26 km), de la Grande-Terre (26 km) et de la Dominique (29 km). Son plateau karstique est entaillé par un réseau hydrographique fortement ramifié, et par un escarpement d’environ 100 m de hauteur : la Barre de l’île. Les vallées et les aplombs de ces entités supportent des boisements globalement préservés. Des ensembles de forêts littorales, marécageuses et de mangrove se maintiennent, à l’ouest dans le secteur de Folle Anse et au nord dans le secteur de Vieux Fort.
Les caractéristiques géographiques, géologiques et écologiques de Marie-Galante sont favorables à l’accueil d’une biodiversité. Jusqu’en 2024 et ce complément d’inventaire, 9 espèces de chauves-souris sur les 14 recensées en Guadeloupe « continentale » (Basse-Terre et Grande-Terre) avaient été recensées à Marie-Galante. L’île est également connue pour abriter l’une des plus grandes cavités naturelles des Petites Antilles, le Grand Trou à Diable, qui constitue l’un des plus grands gîtes de Chiroptères de la région biogéographique avec plus de 100 000 individus de plusieurs espèces.

Marie-Galante est presque équidistante des 3 principales îles voisines. Pas si loin pour certaines chauves-souris…

L’estuaire de la Rivière du Vieux, sur la commune de Saint Louis, est bordé par la mangrove et la forêt marécageuse à Pterocarpus officinalis.
L’île souffrait cependant d’un important déficit de prospections, avec seulement trois expéditions scientifiques (SRETIE et SFEPM) de courtes durées entre 1990 et 2000 et quelques missions de l’ASFA (Association pour la Sauvegarde et la réhabilitation de la Faune des Antilles) et du GCG (Groupe Chiroptères de Guadeloupe) en 2006 et 2017. À partir de 2020, les études d’impact et les suivis de parcs éoliens ont consitué les principales sources de données sur les chauves-souris de Marie-Galante, mais ces études sont restées peu nombreuses (5 études entre 2021 et 2023) et extrêmement localisées.
Poste de capture installé sous un carbet dans le secteurs des Sources à Saint-Louis
Enregistreur passif installé dans un manguier jouxtant une mare, prêt à enregistrer les cris émis par les chauves-souris
Conscients de ces lacunes, l’ASFA-GCG et AcoNat ont réalisé d’importants compléments d’inventaire sur Marie-Galante en 2024, avec le soutien financier de la DEAL Guadeloupe. Deux missions de terrain ont permis de réaliser 5 soirées de capture (auxquelles j’ai eu le plaisir de participer à titre bénévole), de rechercher de contrôler 35 cavités naturelles ainsi que de nombreux ponts, et d’effectuer des comptages en émergence sur deux gîtes d’importance majeure. En tant que prestataire partenaire de l’ASFA-GCG, AcoNat a pris en charge le volet acoustique de l’opération. En combinant les techniques d’enregistrement passif et d’écoute active, nous avons ainsi échantillonné 27 sites répartis sur la quasi-totalité de l’île.
Ces actions ont abouti à une caractérisation de l’occupation actuelle des cavités par les chauves-souris. Elles ont aussi permis de préciser la distribution des espèces sur l’île, et de compléter cette liste par une nouvelle espèce identifiée en acoustique : le Chiroderme de Guadeloupe ! Cette découverte est importante au regard de l’aire de répartition très restreinte de l’espèce (Saint Kitts et Nevis, Montserrat, Guadeloupe « continentale », et désormais Marie-Galante) et de son statut de conservation très défavorable : en danger d’extinction d’après la Liste rouge des espèces menacées en Guadeloupe. Les enjeux chiroptérologiques forts déjà identifiés pour Marie-Galante s’en trouvent renforcés.
Cette étude a également conduit à la première observation du comportement d’alimentation de trois Phyllostomidés (Fer de lance, Brachyphylle des Antilles, Monophylle des Petites Antilles) sur les fleurs de l’arbre à saucisses à Grand Bourg.
Contribuer à ce projet aura été une expérience particulièrement enrichissante sur le plan scientifique, mais aussi humain grâce aux nombreux adhérents bénévoles de L’ASFA et du Groupe Chiroptère de Guadeloupe ayant prêté main forte lors des protocoles de terrain. Merci à eux ! Je tiens également à remercier tout particulièrement Béatrice Ibéné, présidente de L’ASFA, pour sa confiance, sa bienveillance et sa générosité, ainsi que Régis Gomès, membre passionné et infatigable de l’association ; la réussite de ce projet est avant tout le fruit de leur expérience et de leur détermination à préserver la biodiversité antillaise. Enfin, merci à la DEAL Guadeloupe pour son soutien financier.
Un projet co-réalisé par L’ASFA, le Groupe Chiroptères de Guadeloupe et AcoNat

Article rédigé par Simon Gervain pour AcoNat, le 02/10/2025