Inventaire acoustique des Chiroptères dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique
Les plantations de bananiers représentent une part importante de la surface agricole cultivée en Martinique et en Guadeloupe. Ces monocultures sont principalement pratiquées dans des zones autrefois occupées par des forêts mésophiles ou hygrophiles, et nombreuses sont les parcelles situées à leurs lisières. Il est donc essentiel d’étudier les interactions entre les bananeraies et la faune forestière dans ces milieux insulaires, dans le contexte de l’érosion de la biodiversité et d’efforts de conciliation entre pratiques culturales et équilibres écosystémiques.
Les Chiroptères sont les seuls mammifères indigènes encore présents en Martinique et en Guadeloupe. Ils sont caractérisés par une forte diversité phylogénétique et écologique, un fort taux d’endémicité, et des statuts de conservation défavorables pour plusieurs espèces. À ce jour, aucune étude n’a spécifiquement ciblé les communautés chiroptérologiques dans les bananeraies de Martinique. En Guadeloupe, les travaux menés entre 1990 et 2015 fournissent de plus amples informations.
L’étude relatée dans cet article vise à combler certaines de ces lacunes et à actualiser les éléments disponibles dans la littérature. Elle est commanditée par l’Institut Technique Tropical et s’insère dans un programme d’évaluation et de suivi de la biodiversité dans les bananeraies débuté en 2015.

Cartographie des deux principaux types de cultures pratiqués en Guadeloupe et en Martinique (RPG, 2023)
Un inventaire acoustique des Chiroptères a été réalisé en novembre 2024 sur sept parcelles en Guadeloupe et six parcelles en Martinique. Le protocole, alliant 30 min d’écoute active et deux nuits d’enregistrement passif sur chaque station, a été mis en oeuvre en coeur de bananeraie et le long des lisières boisées.

Lisières de bananeraie à Capesterre Belle-Eau, sur la côte au vent de la Basse-Terre en Guadeloupe
La Sérotine (haut) et le Chiroderme de Guadeloupe (bas) : deux espèces au statut de conservation très défavorable
Au total, 13 taxons sur les 15 identifiables en acoustique ont été détectés dans les bananeraies et leurs lisières.
La majorité des espèces sont plus actives en lisières qu’en pleine parcelle. L’Ardops des Petites Antilles évite l’intérieur des plantations, contrairement au Brachyphylle des Antilles, au Murin de la Dominique et au Monophylle des Petites Antilles qui sont en moyenne plus actifs en pleine parcelle. Ce dernier, au régime nectarivore, semble trouver une ressource alimentaire abondante dans les fleurs de bananiers. Son abondance comme ses niveaux d’activité sont néanmoins très variables spatialement et temporellement.
Deux espèces fortement menacées ont été détectées en Guadeloupe : la Sérotine de la Guadeloupe ( statut CR, identification probable) et le Chiroderme de Guadeloupe (statut EN, identification certaine).
Ces résultats mettent en évidence l’attractivité globale des bananeraies pour les Chiroptères, tout en soulignant le rôle non négligeable de l’effet lisière avec les milieux boisés dans cette relation. En effet, l’intérieur des parcelles ne semble exercer un véritable pouvoir d’attraction que sur un petit nombre d’espèces, et ceci de manière parfois très variable d’un site à l’autre.

Vue sur la Montagne Pelée depuis une exploitation dans les hauteurs du Lorrain en Martinique
Il convient d’encourager la pratique d’une agriculture raisonnée et si possible biologique dans les bananeraies, tout en consacrant d’importants efforts à la préservation et/ou à la restauration des milieux forestiers. Ces habitats sont les seuls à offrir l’intégralité des ressources nécessaires à l’accomplissement du cycle de vie de tous les Chiroptères de Guadeloupe et de Martinique.
Article rédigé par Simon Gervain pour AcoNat, le 02/10/2025
Un grand merci à Béatrice Ibéné de L’ASFA pour le partage des photos de chauves-souris !